Signaux de danger et inflammation chronique (L. Yatime)

Signaux de danger et inflammation chronique
Laure Yatime

Nous nous intéressons aux acteurs moléculaires du système immunitaire inné dont l’activation excessive par des signaux de danger pathogènes ou endogènes entraîne une inflammation chronique liée à des pathologies humaines telles que les maladies hémolytiques, les maladies inflammatoires chroniques de l'intestin ou encore les cancers. Nos travaux ont pour but de comprendre comment la reconnaissance de ces signaux de danger par des récepteurs immuns spécifiques engendre une réponse pro-inflammatoire favorisant la progression de ces pathologies. Pour ce faire, nous utilisons une approche multidisciplinaire combinant la biochimie, la biologie cellulaire, la biologie structurale et la modélisation in vivo chez le poisson zèbre.

Axes de recherche

La détection des signaux de danger liés à un agent pathogène (PAMPs) ou produits de manière endogène (DAMPs) par les acteurs classiques du système immunitaire inné (complément ou récepteurs Toll, par exemple) a été étudiée de manière approfondie. A l'inverse, les vertébrés possèdent de nombreux autres récepteurs pour ces signaux de danger qui sont encore très mal caractérisés. Nos efforts de recherche se concentrent sur plusieurs récepteurs multiligands de la superfamille des immunoglobulines impliqués dans la reconnaissance d'alarmines endogènes ou de facteurs de virulence pathogènes, tous liés à des pathologies inflammatoires chez l'homme.

Les récepteurs à domaines immunoglobulines (Ig) sont des récepteurs transmembranaires dont la partie extracellulaire est composée exclusivement de domaines Ig. Ils appartiennent de fait à la superfamille des immunoglobulines (IgSF). De par la propension des domaines Ig à dimériser en cis et/ou en trans, la plupart des récepteurs à domaines Ig forment des interactions homophiles et/ou hétérophiles et sont impliqués dans des processus d’adhérence cellulaire. Ils participent ainsi à un grand nombre de fonctions cellulaires vitales incluant la motilité, la prolifération et la différentiation cellulaires, la réorganisation du cytosquelette, le développement neuronal ou encore la réponse immunitaire. Grâce à leurs propriétés d’adhérence, ces récepteurs jouent également un rôle crucial dans un grand nombre de pathologies humaines, notamment les cancers et les infections, et ils constituent de robustes vecteurs d’inflammation. 
    
Figure 1 : les récepteurs à domaines Ig et leurs rôle dans les processus d’adhérence cellulaire et de reconnaissance des molécules de danger (PAMPs et DAMPs).

Parmi cette large famille de récepteurs, nous nous intéressons plus particulièrement à deux sous-classes qui reconnaissent des molécules de danger d’origine soit endogène (DAMP) soit pathogène (PAMP):

- le récepteur multiligand RAGE, qui détecte un large panel d'alarmines endogènes impliquées dans les cancers, le diabète ou encore les maladies neurodégénératives 

- les récepteurs CEACAMs responsables de la reconnaissance de différents pathogènes intestinaux dans le cadre des maladies inflammatoires chroniques de l’intestin (MICIs) 

Axe 1 : Détection des alarmines S100 par le récepteur RAGE en contexte cancéreux

Les protéines S100, spécifiques des vertébrés, sont normalement présentes à l’intérieur des cellules où, en fixant le calcium, elles régulent des processus cellulaires calcium-dépendants incluant la transcription, la dynamique du cytosquelette, la croissance et la différenciation des cellules ainsi que l’homéostasie du calcium. Dans un contexte de stress cellulaire et d’inflammation lié au développement d’un cancer, les protéines S100 sont surexprimées et peuvent être relâchées dans le milieu extracellulaire où elles deviennent des molécules de danger reconnues par le récepteur RAGE, ce qui induit une réponse pro-inflammatoire favorisant la progression tumorale. En conséquence, les interactions RAGE-S100 constituent une cible prometteuse pour le développement de nouvelles thérapies anti-cancéreuses.


Figure 2 :
 Structure cristallographique du complexe RAGE-S100A6 à 2.3 Å de résolution (haut). Forme canonique apo (en bas à gauche) et nouvelle forme observée en présence de RAGE (en bas à droite) pour l'homodimère S100A6.










Nos travaux, basés sur des approches biochimico-structurales et sur la modélisation in vivo chez le zebrafish, ont pour but d'élucider les mécanismes de reconnaissance de ces protéines S100 par le récepteur RAGE afin de concevoir des inhibiteurs à visée thérapeutique ciblant ces interations. Nous avons ainsi pu déterminer la première structure cristallographique d'un complexe entier entre RAGE et la protéine S100A6. Cette structure a mis en évidence une nouvelle forme homodimérique de S100A6, potentiellement responsable de l'activité pro-inflammatoire de la protéine. Nos efforts actuels se concentrent sur l'analyse d'autres complexes RAGE-S100, afin de déterminer si cette nouvelle forme est observée pour d'autres protéines S100. Nous étudions également comment les ions divalents et les propriétés oxydantes du milieu extracellulaire influent sur l'architecture 3D de ces protéines et quel est l'impact sur leurs propriétés inflammatoires.

Axe 2 : Reconnaissance des pathogènes intestinaux par les récepteurs CEACAMs en contexte de MICI

Les maladies inflammatoires chroniques de l'intestin constituent un véritable problème de santé publique car elles sont en incidence croissante, notamment dans les pays développés où les regimes alimentaires (gras et sucrés), les modes de vie  (stress, alcool, tabagisme) et les conditions environnementales (pollution, faible ensoleillement) favorisent leur apparition. Le microbiote intestinal joue un rôle essentiel dans la pathogenèse de ces maladies par l’intermédiaire d’interactions délétères répétées avec les cellules hôtes de l’épithélium intestinal, chez des individus fragilisés par des déficiences génétiques, ce qui contribue au maintien d’un état inflammatoire soutenu qui représente la manifestation pathologique majeure dans les MICIs telles que la maladie de Crohn ou la rectocolite hémorragique.

Figure 3 : Les interactions CEACAM-pathogène favorisent l'installation d'un état inflammatoire persistant en conditions de MICI.











Les récepteurs CEACAMs, présents sur l'épithélium intestinal, sont utilisés comme point d'ancrage par les pathogènes intestinaux tels que les Escherichia coli adhérentes invasives (AIEC), diffusives adhérentes (DAEC), les espèces neisseriales ou encore les salmonelles. Ces interactions hôte-pathogène engendrent une réaction inflammatoire exacerbée, via la production de cytokines pro-inflammatoires (TNF-alpha, interleukines), que l'organisme n'arrive plus à stopper. Ce processus permet notamment l'internalisation des pathogènes et leur évasion immune, ce qui perpétue l'état inflammatoire. Nous cherchons à caractériser le mode de reconnaissance précis des pathogènes intestinaux par divers membres de la famille CEACAM afin de concevoir à plus long terme des inhibiteurs spécifiques de ces interactions à visée thérapeutique dans le traitement des MICIs.

 





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